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Depuis le début du mois d’octobre, le projet culturel Pour la suite du geste… rassemblons-nous! suit son cours et connaît une grande popularité. Afin de récompenser les efforts et la persévérance déployés par les apprentis artisans participant aux ateliers d’initiation proposés, la Municipalité régionale de comté (MRC) de D’Autray a mis en place un concours qui mènera à l’attribution de prix.

Tout le monde a l’occasion de participer à ce concours. Le mardi 5 décembre prochain, lors d’une soirée spéciale soulignant la fin de la première phase de l’initiative, le comité organisateur couronnera celles et ceux s’étant démarqués par la qualité ou l’originalité de leur oeuvre. Il y a deux volets au concours, l’un pour les participants aux ateliers et l’autre pour toutes autres personnes du territoire d’autréen souhaitant y participer!

Alors, artisans novices ou expérimentés peuvent tenter le coup. Pour participer, les personnes intéressées doivent présenter une oeuvre réalisée grâce à l’un de ces savoir-faire : le tissage, le fléché ou le gossage de cups. Par la suite, il est important de communiquer à la MRC certaines informations par courrier électronique, soit le nom du participant, l’adresse postale, le savoir-faire utilisé, la confirmation ou l’infirmation de la participation aux ateliers offerts par la MRC et une affirmation de présence à l’évènement du 5 décembre à 17 h, tenu aux bureaux administratifs de la MRC à Berthierville (550, rue De Montcalm).

Le 30 novembre à 16 h 30 est la date limite pour transmettre ces informations à culture@mrcautray.qc.ca. L’objectif de Pour la suite du geste… rassemblons-nous! est de développer l’artisanat traditionnel.

Pour ce faire, la MRC a offert à ses citoyens une vaste programmation d’ateliers gratuits d’initiation au fléché, au tissage et au gossage de cups. Plus d’information sur les ateliers à venir est disponible sur le site Internet : http://culturepatrimoineautray.ca/pour-la-suite-du-geste/

Au même endroit, l’internaute peut découvrir une série de documentaires conçus par la Norbertoise, Iphigénie Marcoux-Fortier, à propos des trois savoir-faire explorés.

Pour la suite du geste… rassemblons-nous! est réalisé grâce au soutien financier du ministère de la Culture et des Communications et de la MRC de D’Autray dans le cadre de l’Entente de développement culturel 2017. Philippe Jetté, médiateur culturel et intervenant en traditions vivantes, assure une collaboration.

Le tressage aux doigts est une pratique ancienne de plusieurs millénaires. Ici, dans la région de L’Assomption[1], les femmes artisanes développent, selon toute vraisemblance, au 19e siècle, un savoir-faire unique, le fléché. Issu de la technique universelle du chevron, il est beaucoup plus élaboré que son ancêtre et permet la formation de motifs d’une grande complexité. Transmise de génération en génération, la technique de fabrication de la ceinture fléchée est reconnue comme l’un des plus beaux tressages au monde.

Commerce de la ceinture fléchée dite de L’Assomption

Le plus vieux document attestant la présence d’artisanes en fléché, à L’Assomption, identifie les sœurs Gagnon de la rue Saint-Étienne. Les quatre flécheuses[2] signent une entente avec Antoine Lange, un marchand montréalais. Elles doivent tresser quatre ceintures par mois entre le 26 novembre 1811 et le 1er avril 1812.

Des marchands du village de L’Assomption font le commerce de ceintures fléchées dans la première moitié du 19e siècle. Un de ceux-là, Laurent LeRoux, revient à L’Assomption, vers 1794, pour reprendre les affaires de son défunt père. Il détient, pendant un certain temps, avec Jacques Trullier dit Lacombe, un autre marchand de L’Assomption, le monopole de la confection et de la vente de la ceinture fléchée avec la North West Compagny. En 1822, dix ceintures sont recensées au magasin de Jacques Lacombe, ancien commerçant de la Compagnie du Nord-Ouest. Vingt ans plus tard, treize « ceintures à flèches » et quatorze livres de laine à ceinture sont inventoriées au magasin de Benjamin Beaupré.

Le commerce de la ceinture fléchée est bien ancré à L’Assomption dans la première moitié du 19e siècle. Une mouvance vers le territoire de Saint-Jacques, issu de L’Assomption, est ensuite observée. À la fin du 19e siècle, la commercialisation diminue drastiquement à cause de la fin du commerce des fourrures et de la disparition des grandes compagnies anglaises. La concurrence des ceintures tissées au métier provenant d’Angleterre ont également contribué au déclin de ce commerce.

Exploration et standardisation

La technique du fléché semble s’être développée, au début du 19e siècle, par des femmes de la région de L’Assomption. À cette époque, les artisanes mettent à profit leur créativité. Elles explorent l’agencement des motifs et des couleurs de la ceinture fléchée pour compétitionner les belles étoffes que portaient les gérants écossais de la Compagnie du Nord-Ouest.

Au tournant des années 1830, la Compagnie de la Baie d’Hudson instaure une standardisation, ce qui permet aux femmes d’être plus efficaces et d’avoir une production moins coûteuse. Rappelons que ce sont les femmes du Grand Saint-Jacques qui sont reconnues pour être les principales artisanes du fléché au 19e siècle.

La dénomination « ceinture fléchée de L’Assomption » vient de l’anglais « Assumption sash », ce qui rappelle leur provenance. Cette appellation se répand dans les années 1840.

L’action des flécheuses et des flécheurs

La ceinture fléchée est reconnue, depuis 1985, comme le symbole régional de Lanaudière. L’année suivante, l’Association des artisans de la ceinture fléchée de Lanaudière voit le jour. Depuis 1989, cette dynamique association organise, dans Lanaudière, des ateliers-rencontres, particulièrement au Vieux Palais de Justice de L’Assomption ainsi qu’à la Maison de la culture.

Les flécheuses du 21e siècle

De nos jours, deux femmes de cœur et de passion perpétuent ce savoir-faire traditionnel à L’Assomption, Jocelyne Venne et France Hervieux[3]. Elles partagent cet art traditionnel afin d’en assurer la transmission. À l’hiver 2016, la ministre de la Culture, Mme Hélène David, désigne le fléché comme élément du patrimoine immatériel du Québec. Ce geste symbolique reconnait la richesse de ce savoir-faire transmis par des femmes de la région de L’Assomption.

[1] La région de L’Assomption fait ici allusion aux territoires de L’Assomption et du Grand Saint-Jacques de l’époque.

[2] Marie-Josephte, Marguerite (dont l’époux Louis Bousquet était chapelier), Élisabeth et Archange Gagnon.

[3] France Hervieux est récipiendaire du prix d’excellence Pierre-LeSueur décerné, en l’an 2000, par la Ville de L’Assomption pour son travail de vulgarisation de la tradition de la ceinture fléchée dite de L’Assomption.

Texte rédigé par Philippe Jetté, médiateur du patrimoine vivant consultant pour Les Productions Synop6, le 6 avril 2016. Ce texte était destiné à la Ville de L’Assomption pour un projet de mise en valeur du fléché dans leur milieu. Consultez deux capsules vidéos (historique et tutoriel) et le texte revu par la Ville en suivant ce lien : http://www.quartierdesarts.ca/patrimoines/ceinture-flechee 

Bibliographie

ASSOCIATION DES ARTISANS DE CEINTURE FLÉCHÉE DE LANAUDIÈRE INC. (1994). Histoire et origines de la ceinture fléchée traditionnelle dite de L’Assomption. Québec, Septentrion, 125 p.

MARCHAND, Suzanne. La pratique du fléché au Québec. Étude patrimoniale. Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2011. 62 p.

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Fiche de l’élément, Fléché. Ministère de la Culture et des Communications [En ligne]. Site Web consulté en mars 2016. http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=2&type=imma#.VtnrX_nhCUk

Pierre Dufour, « LEROUX, LAURENT », dans FR:UNDEF:public_citation_publication, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 mars 2016, http://www.biographi.ca/fr/bio/leroux_laurent_8F.html

Martin Rochefort, « TRULLIER, Lacombe, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 avril 2016, http://www.biographi.ca/fr/bio/trullier_jacques_6F.html