Dans le cadre du projet Transmission du Centre du Patrimoine Vivant de Lanaudière (CPVL), j’ai eu le privilège d’échanger avec Marie-Jeanne Dupuis sur une pratique culturelle traditionnelle familiale. Je vous présente ici un échantillon du bonheur que cette passionnée entretient avec son mode d’expression de prédilection : la danse traditionnelle.

Tout d’abord, la pratique de la danse traditionnelle dans la famille Dupuis (du Grand Rang de Saint-Jacques) est une tradition qui provient du côté de leur mère, la famille Thibodeau. Marie-Jeanne Dupuis (65 ans), aînée de la famille de Jean-Marie Dupuis et de Lucille Thibodeau, se rappelle des jours de l’An de son enfance chez son grand-père Armand Thibodeau dans le Rang de la Rivière-Rouge à Saint-Liguori. Ses oncles et ses tantes dansaient, mais pas son grand-père. Lui, il se réservait pour l’harmonica. Quant à sa mère, elle était toujours à la recherche d’un cavalier puisque son mari n’aimait pas danser.

C’est vers l’âge de 11-12 ans que Marie-Jeanne danse son premier « set carré », nommé La chaîne des dames. Elle a toujours senti que les enfants faisaient partie de la gang, qu’ils n’étaient pas exclus, mais plutôt les bienvenus. Elle dit : « Ça nous encourageait et ça nous motivait. » C’était une étape dans sa vie. Elle a appris à danser par imitation et sans explication.

Plus tard, c’était sa mère qui organisait les veillées, deux à trois fois par année : au jour de l’An, pendant l’hiver et à la cabane à sucre. Dès qu’il y avait un rassemblement familial, comme un mariage, ça dansait.

Lorsqu’on demande à Marie-Jeanne pourquoi elle danse, elle répond : « J’oublie tout. Ça m’énergise et ça me rappelle de très bons souvenirs. Rester assise quand un bon reel joue, c’est quasiment un supplice. » Elle nomme certaines valeurs que l’on retrouve dans la pratique traditionnelle de la danse : le rassemblement, la fête et la simplicité.

Lorsqu’on réfléchit à la simplicité de cette tradition, on constate que c’est un divertissement accessible à tous et qu’il n’y a pas de performance recherchée. On évoque aussi le fait d’être quatre couples positionnés en carré ou en cercle sans d’autre besoin qu’une musique dynamique. Celle-ci nous fait transcender et interpréter des mouvements qui se transmettent depuis plusieurs générations. Ces gestes ont tellement été pratiqués par notre collectivité qu’ils sont intégrés en nous, dans notre génétique. Nous les connaissons malgré nous, il ne reste plus qu’à les faire revivre.

Chez les Dupuis, La chaîne des dames a été remplacée par le Passez par six (Set à crochet) qu’ils ne se lassent pas de danser dans toutes les veillées.

Comment se vit la transmission de la danse aujourd’hui ?

Les « chums » et les « blondes » des membres de la famille Dupuis n’ont pas eu le choix de vivre l’expérience de la danse traditionnelle. Mme Dupuis (Lucille Thibodeau) tirait après les nouveaux arrivants dans la famille pour les faire danser : « Viens danser, viens danser ! Je ne sais pas danser. On va te le montrer, ce n’est pas grave. ». C’était elle qui « runnait la barque ». Ils apprenaient par l’exemple. Marie-Jeanne dit : « Ils voyaient qu’on s’amusait, ça se faisait naturellement. Ils apprenaient sur le tas comme on dit. » Ils se sont intégrés à cette pratique culturelle traditionnelle et par le fait même à cette famille de bons vivants. Quel bon moyen pour faire connaissance et socialiser ! Pour la plupart, c’était leur initiation.

Dans le contexte actuel, la famille Dupuis danse presque uniquement au jour de l’An. Il y a tout de même des exceptions, tel qu’une fête spéciale comme un anniversaire de mariage (25e ou 50e). Et pourquoi pas à l’Halloween ? C’est ce qu’ils ont fait la veille de la Toussaint 2012, danser. En février 2011 dans le cadre de la Saint-Valentin, j’ai eu la chance de jouer de l’accordéon pour la famille de Marie-Jeanne et de Normand Degrandpré. C’est avec le plus grand bonheur que Marie-Jeanne a dansé son premier « set » en petite famille, c’est-à-dire, avec ses enfants et ses petits-enfants. Au dernier réveillon du jour de l’An, suite à l’initiative de sa nièce, Nancy (à Jean-Pierre) Migué, toutes les générations ont eu le plaisir de partager un moment de danse familiale.

Quand l’habitude de se rassembler, chez son frère Gus, la veille du jour de l’An cessera, la passionnée réfléchit tout haut : « Quand ça va tomber, ce sera à moi de dire on fait quelque chose ici. On ne peut pas passer un jour de l’An sans danser, c’est impossible ! »

Crédits photo : Stéphane Brisson. La famille Dupuis en danse au réveillon du jour de l’An 2012, Nelson Migué au câll sous l’admiration de sa grand-mère.

Rédigé par Philippe Jetté, médiateur du patrimoine vivant, le 8 janvier 2013. Article paru dans le Bulletin d’information de la municipalité de Saint-Jacques : Le Jacobin, Février 2013, Volume 11, No 1.

Source 

Projet Transmission du Centre du Patrimoine Vivant de Lanaudière (CPVL), entrevue réalisée par Philippe Jetté auprès de Marie-Jeanne Dupuis, le 4 juin 2012.

Dans la famille Dupuis du Grand Rang de Saint-Jacques, la danse traditionnelle est au cœur des rassemblements familiaux. Rencontrée dans le cadre du projet Transmission du Centre du Patrimoine Vivant de Lanaudière (CPVL), Marie-Jeanne Dupuis m’a partagé sa vision, son amour et ses questionnements quant à l’avenir de la pratique familiale de la danse traditionnelle.

C’est vers l’âge de 11-12 ans, chez son grand-père Thibodeau à Saint-Liguori, que Marie-Jeanne, aînée de la famille de Jean-Marie Dupuis et de Lucille Thibodeau, vit une étape importante dans sa vie. Elle danse son premier « set carré », La chaîne des dames. C’est  par imitation, en dansant avec les plus vieux, qu’elle apprend les rudiments de la danse traditionnelle.

Marie-Jeanne Dupuis nomme certaines valeurs que l’on retrouve dans la pratique traditionnelle de la danse, notamment le rassemblement, la fête et la simplicité. Quand on lui demande pourquoi elle danse, elle répond : « J’oublie tout. Ça m’énergise et ça me rappelle de très bons souvenirs. Rester assise quand un bon reel joue, c’est quasiment un supplice. »

Il est vrai que la simplicité est au cœur de cette tradition. C’est un divertissement accessible à tous dans lequel il n’y a pas de performance recherchée. Le plaisir émerge du simple fait d’être quatre couples positionnés en carré ou en cercle sans autre besoin qu’une musique dynamique. Celle-ci nous fait transcender et interpréter des mouvements qui se transmettent depuis plusieurs générations. Ces gestes ont tellement été pratiqués par notre collectivité qu’ils sont intégrés en nous, dans notre génétique. Nous les connaissons malgré nous, il ne reste plus qu’à les faire revivre.

Comment se vit la transmission de la danse traditionnelle en 2013 ?

Dans la famille Dupuis, vivre l’expérience de la danse traditionnelle est obligatoire pour les nouveaux conjoint(e)s. Dans plusieurs familles, cela se veut une forme d’initiation. Malgré l’inquiétude qui habite les nouveaux initiés, ceux-ci intègrent naturellement cette coutume et par le fait même, cette famille de bons vivants. La danse traditionnelle est un excellent moyen de socialiser et d’entrer en relation avec autrui.

Au dernier réveillon du jour de l’An, toutes les générations de la famille Dupuis ont eu le plaisir de partager un moment de danse intergénérationnelle. C’est le moyen qu’a trouvé un membre de la famille pour assurer la continuité de cette pratique familiale.

La famille Dupuis en danse au réveillon du jour de l’An 2012, Nelson Migué au câll sous l’admiration de sa grand-mère. Crédits photo : Stéphane Brisson.

Dans le contexte actuel, la famille Dupuis, tout comme plusieurs familles lanaudoises, danse presque uniquement au jour de l’An. Autrefois, les gens se voisinaient et les familles se réunissaient fréquemment, il y avait donc davantage de veillées et d’occasions de danser. Force est de constater que notre société a bien changé. La consommation et l’avènement des nouvelles technologies ont apporté un isolement social, en plus de diversifier l’offre et la quantité d’activités. Le manque d’intérêt des hommes envers la danse et l’insuffisance de la transmission de génération en génération sont aussi des facteurs importants du déclin de cette pratique. Malgré cette mutation sociale, la danse traditionnelle a su perdurer jusqu’à nous.

Marie-Jeanne Dupuis se préoccupe de la continuité de cette tradition. « Ça prend des gens qui portent le flambeau », affirme-t-elle.

Et vous, portez-vous le flambeau ? Faites-vous partie d’une famille dans laquelle la danse traditionnelle est à l’honneur dans vos fêtes familiales ? Comment vivez-vous cette pratique ? Vous pouvez partager votre expérience et vos réflexions avec moi par courriel à info@traditionvivantes.com ou par téléphone au 450 397-2313.

Rédigé par Philippe Jetté, médiateur du patrimoine vivant, le 14 février 2013. Cet article avait été diffusé dans les journaux régionaux de Transcontinental. 

Culture Lanaudière offre une formation en patrimoine vivant destinée aux municipalités.

Comment réussir des interventions en patrimoine vivant en contexte municipal ?

Cette formation sur mesure vous offrira des outils pour revitaliser les traditions culturelles et s’en servir pour les bienfaits de la collectivité. Dans le cadre de cet atelier, nous aborderons les possibilités de développement du patrimoine vivant dans vos milieux afin de bien intervenir pour leur continuité et l’accompagnement des citoyens dans leur projet de sauvegarde en suscitant leur participation à la démarche. Formation sous forme d’ateliers (cours pratiques et exercices) et de cours magistraux.

Quand : 

  • Mercredi, le 26 octobre 2022, de 9 h à 17 h.

Lieu :

  • Bibliothèque Marcel-Dugas, 16, rue Maréchal, Saint-Jacques

Clientèle visée :

Personne employée dans une municipalité ou une MRC en charge de dossiers liés à la culture et au patrimoine ou personne travailleuse autonome spécialisée dans ces dossiers auprès des municipalités ou des MRC.

Objectifs 

Au terme de cette formation, les participants seront en mesure de :

  • Décrire le panorama du patrimoine immatériel;
  • Définir des avenues pour le mettre en valeur dans un contexte municipal;
  • Favoriser l’intégration du patrimoine immatériel dans une perspective de tourisme culturel.

FORMATEUR(S) | Conseil québécois du patrimoine vivant

Antoine Gauthier est à la tête du CQPV depuis 2009. Au sein de cet organisme de regroupement national, il a mené plusieurs projets, consultations, colloques, formations et publications. À titre d’expert en patrimoine immatériel et de spécialiste de la Convention de l’UNESCO de 2003, il est régulièrement amené à donner des conférences. Plusieurs de ses articles sont parus dans des publications nationales et internationales. Il détient une maîtrise des Hautes études internationales de l’Université Laval (droit, économie & sciences politiques) ainsi qu’une maîtrise en philosophie de l’Université de Montréal. M. Gauthier a précédemment œuvré au sein de l’Organisation des villes du patrimoine mondial, de la Chaire UNESCO en patrimoine culturel de l’Université Laval, du Secrétariat d’organisation du 12e Sommet de la Francophonie (ministère des Affaires étrangères du Canada) et de la Fédération internationale des auberges de jeunesse. À titre de musicien trad et de chercheur, il a été plusieurs fois boursier des conseils des arts du Québec et du Canada.


Médiateur du patrimoine vivant, Philippe Jetté développe des projets rassembleurs et porteurs pour des municipalités, des MRC et des organismes, en plus d’initier ses propres initiatives. Il oriente ses démarches novatrices en tant que chargé de projets. Le projet Pour la suite du geste… rassemblons-nous! de la MRC D’Autray, a d’ailleurs remporté deux prix nationaux et un prix régional pour sa démarche exemplaire. Calleur, musicien, conférencier, transmetteur et chercheur, Philippe s’inspire de ses rencontres déterminantes avec des porteurs de traditions de sa région (Lanaudière) et d’ailleurs. Technicien en musique traditionnelle, Philippe est membre fondateur du groupe de musique Belzébuth et du Duo Jetté-Simard.


Christine Bricault est ethnologue, titulaire d’une maîtrise en ethnologie de l’Université Laval (2007). Elle possède une riche expérience de travail comme consultante et chargée de projets en ethnologie et patrimoine (études, enquêtes orales), tant pour des administrations publiques que des organismes culturels. Elle est également chargée de cours au département des sciences historiques de l’Université Laval depuis 2009 (Exercices méthodologiques, méthodes d’enquête orale, traditions et actions culturelles, étude de sa culture). Elle a travaillé durant plusieurs années sur une thèse de doctorat sur les transformations de la ruralité, la vitalité des milieux ruraux et l’identité villageoise. Christine pratique la danse traditionnelle; elle possède en outre quelques années d’expérience en gigue irlandaise et en gigue québécoise. Elle est originaire des Cantons-de-l’Est. Christine Bricault est coordonnatrice du Conseil québécois du patrimoine vivant depuis 2016.

INSCRIPTION : https://www.culturelanaudiere.qc.ca/formation/se-connecter

Source : Culture Lanaudière, https://www.culturelanaudiere.qc.ca/formation/formation/63/comment-reussir-des-interventions-en-patrimoine-vivant-en-contexte-municipal?.